Texte sur la fatigue émotionnelle, de Jean-Marc Terrel
- docpchay
- 1 nov.
- 3 min de lecture
Neuf heures de sommeil. Café corsé. Vitamines avalées. Et pourtant, dès 10h, cette sensation de traîner un corps de plomb.
Pas une fatigue normale, comme celle qu'on ressent après l'effort. Non. Une fatigue sourde, profonde, qui vient de nulle part et va partout. Comme si chaque cellule était à court de batteries.
"Je ne comprends pas", me disait cette participante récemment. "Les analyses sont bonnes. Le médecin dit que tout va bien. Mais je suis vidée. Lessivée. Épuisée par trois fois rien." Oui, mais trois fois rien c'est déjà quelque chose aurait rétorqué Raymond Devos.
Cette fatigue sans cause apparente, je la connais. Je l'ai portée pendant des mois. Cette sensation d'être un téléphone à 5% de batterie dès le réveil. Cette énergie qui fuit par tous les pores sans qu'on sache pourquoi. Cette lassitude qui teinte tout en gris.
On cherche des explications physiques. Carence en fer ? Thyroïde ? Burn-out ? Mais parfois, le corps est juste le messager d'une fatigue plus subtile. Une fatigue de l'âme. Une fatigue du sens. Une fatigue d'être...
Tu sais ce qui épuise le plus ?
Ce n'est pas l'effort. C'est la résistance. C'est de nager à contre-courant de qui on est. C'est de porter des masques trop lourds. C'est de dire oui quand tout en nous crie non. C'est de vivre la vie de quelqu'un d'autre.
Moi aussi j'ai couru partout - boulot, projets, obligations - en me demandant pourquoi j'étais si crevé. Jusqu'au jour où un coach m'a demandé : "Dans tout ce que tu fais, qu'est-ce qui te nourrit vraiment ?" Blanc. Total. Je faisais plein de choses qui remplissaient mon agenda. Mais aucune ne me comblait vraiment. Tu vois ? J'étais devenu une passoire énergétique.
Cette fatigue mystérieuse, c'est souvent le prix de la déconnexion. Déconnexion d'avec nos vrais besoins. Nos vrais désirs. Notre vraie nature.
Combien d'entre nous vivons en pilote automatique ? On se lève, on fait ce qu'il faut faire, on se couche. Et rebelote. Mais où est la vie là-dedans ? Où est la joie ? Où est ce qui fait vibrer ?
Une cliente me racontait : "J'ai réalisé que je vivais la journée type de quelqu'un d'autre. Le job que mes parents voulaient. Le rythme que la société impose. Les loisirs qu'il faut avoir. Pas étonnant que je sois épuisée. Je porte une vie qui n'est pas la mienne."
La fatigue émotionnelle, c'est sournois. Ça ne se voit pas sur une radio. Ça ne se soigne pas avec des compléments alimentaires. C'est l'accumulation silencieuse de tous les "c'est pas grave", de tous les "je peux bien faire ça", de tous les "de toute façon j'ai pas le choix".
Chaque fois qu'on trahit notre vérité profonde, on paie en énergie. Chaque fois qu'on fait taire notre intuition, on s'épuise un peu plus. Chaque fois qu'on ignore nos limites, on creuse notre dette énergétique.
Cette dette, le corps finit toujours par la présenter. Sous forme de fatigue inexpliquée. De maux diffus ou bien présents. De cette sensation que la vie nous traverse sans nous toucher.
Mais cette fatigue est aussi une chance. Un signal d'alarme. Un appel à revenir à l'essentiel. À se demander : "Qu'est-ce qui me vide ? Qu'est-ce qui me remplit ?" Et surtout : "Qu'est-ce que je fais de ma précieuse énergie vitale ?"
Un jour, j'ai fait la liste. D'un côté, ce qui me pompait. De l'autre, ce qui me ressourçait. Le déséquilibre était flagrant. 80% d'activités vampirisantes. 20% d'activités ressourçantes. Pas étonnant que je sois à sec.
Petit à petit, j'ai réajusté. Dit non à certaines choses. Dit oui à d'autres. Retrouvé le chemin de ce qui me fait du bien. Pas du bien social. Du bien profond. Celui qui recharge vraiment.
Si tu te reconnais dans cette fatigue sans cause, peut-être est-il temps de t'écouter. De ralentir. De te demander : "Qu'est-ce que mon épuisement essaie de me dire ?"
Parce que parfois, la plus grande forme de repos n'est pas de dormir plus. C'est de vivre plus en accord avec qui on est vraiment.
Ton épuisement n'est pas un ennemi. C'est un guide. Il te montre où tu te perds. Où tu te trahis. Où tu donnes trop. Où tu reçois trop peu.
Écoute-le. Il sait des choses que ton mental refuse encore de voir.
Parce que ta fatigue a quelque chose à te dire. Et il est temps de l'écouter vraiment.
Jean-Marc Terrel, enseignant de méditation.





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